Shawn Olson est un artiste technique spécialisé dans 3ds Max et le moteur Source. Fort d’une expérience variée (journaliste, photographe, développeur Web et développeur de jeux vidéo), il est également membre du programme Autodesk Expert Elite.
Nous lui avons demandé de nous expliquer comment il a transformé un hobby en réussite professionnelle avec l’équipe de Black Mesa en redonnant vie à ce jeu grâce à 3ds Max.
Je me souviens de la première fois que j’ai ouvert une application 3D. C’était un programme appelé WorldCraft, le prédécesseur de Hammer, que Valve avait créé comme éditeur de niveaux pour le jeu Half-Life. C’était un moment crucial dans mon parcours créatif et c’est ce qui a véritablement orienté le reste de ma carrière. Le fait de pouvoir créer un environnement que personne n’aurait encore exploré me paraissait passionnant. Peu de temps après, j’ai commencé à m’intéresser à d’autres applications 3D qui étaient utilisées à la fin des années 1990.
Ensuite, j’ai découvert 3ds Max R3. Peu de temps après, 3ds Max R4 est sorti. 3ds Max a provoqué chez moi un véritable déclic. C’était comme s’il n’y avait plus aucune limite à ma créativité. Je me suis plongé dans 3ds Max et tout un éventail de gros livres sur l’application (à l’époque, il n’y avait pas autant de ressources Internet qu’aujourd’hui). 3ds Max me paraissait si logique et si puissant que ma créativité a rapidement explosé. Lorsque Valve a eu recours à 3ds Max pour les modèles utilisés dans Half-Life, j’ai pu voir pour la première fois tous les atouts de 3ds Max pour des films et des jeux vidéo à gros budget.
Pendant plusieurs années, la création de niveaux pour des jeux comme Counter-Strike et Half-Life est resté un de mes hobbies. Au cours de ces premières années, j’ai surtout utilisé Hammer, mais je ne perdais pas 3ds Max de vue. Très tôt, j’ai eu envie d’utiliser exclusivement 3ds Max en tant qu’éditeur de niveaux pour les jeux qui s’exécutaient sur les moteurs GoldSource et Source de Valve, mais c’était impossible à l’époque, car les quelques outils disponibles restaient très limités. La conception de niveaux en dehors de Hammer n’intéressait quasiment personne. Si quelqu’un exprimait le souhait d’utiliser 3ds Max au lieu de Hammer, on lui répondait généralement que ce serait impossible ou peu pratique. Lorsque je parlais de mon envie d’utiliser 3ds Max au lieu de Hammer, j’avais le sentiment d’être considéré comme le mouton noir par la communauté du moteur Source, y compris longtemps après être devenu un expert renommé de cette communauté.
Enfin, j’ai découvert MAXScript, le langage de génération de scripts intégré à 3ds Max. Il m’est alors apparu évident que 3ds Max m’aiderait à libérer notre créativité sans aucune limite. Au cours des 10 années suivantes, j’ai transformé mon hobby en métier et concrétisé mes envies : utiliser 3ds Max en tant qu’éditeur de niveaux du moteur Source. C’est alors que Wall Worm, une société spécialisée dans le développement d’utilitaires artistiques et d’outils de pipeline pour 3ds Max, est née. L’accessibilité, la puissance et la simplicité de MAXScript ont véritablement bouleversé ma vie en m’aidant à trouver ma place en tant qu’artiste technique et développeur de plug-ins.
J’ai essentiellement travaillé sur le pipeline du moteur Source, notamment en éliminant les lourdeurs des méthodes archaïques d’importation des ressources dans Source. Le pipeline de ressources traditionnel du moteur Source est en effet très lent, inefficace et fastidieux. Cela fait un peu cliché, mais ma philosophie de travail était de travailler plus efficacement, tout simplement. Grâce à 3ds Max, j’ai réussi à condenser des heures de travail en quelques clics de souris pour certains types de ressources, ce qui a contribué à la croissance de Wall Worm, dont les produits sont désormais utilisés dans le monde entier.
Ma première grande opportunité professionnelle s’est présentée grâce à Rob Briscoe, concepteur de niveaux et créateur légendaire d’environnements pour Dear Esther. En 2013, il m’a engagé pour l’aider à transférer Dear Esther de Source vers Unity à l’aide de 3ds Max et de divers outils Wall Worm. J’ai rapidement été impliqué dans un flux relativement stable de petits projets. Parallèlement, j’ai commencé à vendre des plug-ins de scripts au grand public. Fin 2015, l’équipe de Black Mesa m’a contacté pour en savoir plus sur les fonctions de déplacement dans Wall Worm, un type de géométrie représentant des paysages avec un format propre au moteur Source.
Black Mesa est le remake du jeu Half-Life, mais il est basé sur le moteur Source. Valve a cédé à Crowbar Collective, la société mère de Black Mesa, une licence de commercialisation de cette nouvelle version de Half-Life. En 2015, lorsque Black Mesa a été présenté sur la plate-forme Steam Greenlight, le jeu était déjà en développement depuis plusieurs années.
Nathan Ayres, Animateur principal pour Black Mesa, témoigne : « Nous nous sommes précipités sur les limites liées au déplacement. Nos concepteurs de niveaux ne pouvaient pas créer d’environnements très grands à cause de la limite de déplacement de 2048 par surface dans Source. Nous l’avons donc doublée et avons appliqué une limite prudente de 4096. Hammer devait ensuite consacrer plus de 12 heures à la subdivision des déplacements (remplacement des blocs par des formes lisses et naturelles). C’est alors que nous avons contacté Shawn Olson, créateur d’un jeu complet d’outils pour le moteur Source appelé Wall Worm. Nous voulions juste lui poser quelques questions sur les déplacements à l’aide de ses outils, mais Shawn a sauté sur l’occasion pour nous donner un coup de main. Quelques semaines plus tard, il était embauché à temps complet au sein de l’équipe. Finalement, Wall Worm s’est avéré essentiel au développement de Black Mesa, mais à ce moment-là, nous ne faisions qu’importer les déplacements dans 3ds Max et les subdiviser en temps réel. »
Lorsque j’ai été embauché, mon souhait était de faire adopter un pipeline basé exclusivement sur 3ds Max à toute l’équipe. C’était mon espoir et mon objectif initial, mais l’équipe utilisait des applications très diverses. La plupart des concepteurs de niveaux qualifiés avaient des années d’expertise sur Hammer, mais très peu d’expérience sur 3ds Max. Parmi les artistes, il y avait des utilisateurs de 3ds Max, de Maya et de Blender. J’ai compris que nous n’allions pas passer à un pipeline basé exclusivement sur 3ds Max, mais 3ds Max restait essentiel. J’ai été constamment impliqué dans la création et l’amélioration d’outils pour rendre notre pipeline multi-application aussi fluide que possible. 3ds Max et Hammer en étaient les piliers et devaient interagir de manière aussi transparente que possible.
Même si les outils d’importation et d’exportation de Wall Worm permettent d’échanger des niveaux entre Hammer et 3ds Max, il demeurait plusieurs défis. En particulier, les principes de conception de Hammer sont atomiques, tandis que ceux de 3ds Max sont plus procéduraux. Les données des contenus procéduraux ne sont pas conservées lorsqu’elles sont envoyées au format VMF, utilisé par Hammer. Nous avons donc dû trouver le moyen de réaliser le développement des éléments graphiques et la conception en parallèle, mais séparément.
Adam Engels, Chef de projet pour Black Mesa, ajoute : « Nous avons pu travailler dans 3ds Max pour affiner le processus graphique avant de l’instancier dans Hammer. Ainsi, les graphismes et les éléments internes du niveau étaient gérés séparément, ce qui nous a permis de voir les mises à jour rapidement dans le jeu. » La plupart des modifications de déplacements et de positionnements d’accessoires s’effectuaient dans 3ds Max. Elles étaient ensuite ajoutées aux scènes Hammer, indépendamment de l’entité et du travail au pinceau qui étaient gérés par les concepteurs de niveaux dans Hammer. Dans les images ci-dessous issues de Hammer, la vue alterne entre la scène Hammer native (en grande partie jaune) et le graphisme environnemental issu de la scène 3ds Max.
Lorsque j’ai rejoint l’équipe de Black Mesa, le jeu était déjà disponible en mode Accès anticipé et nous avons dû travailler d’arrache-pied pour terminer les derniers chapitres sur le monde extraterrestre de Xen. Pour atteindre nos objectifs, notamment pour créer des paysages richement sculptés avec de nombreux accessoires, nous avons utilisé plusieurs outils 3ds Max. Grâce aux pinceaux de forme libre inclus dans les outils de modélisation graphite de 3ds Max, nos créateurs d’environnements ont sculpté les déplacements du moteur Source avec une facilité et une liberté qui étaient inimaginables dans Hammer.
Matt Young, créateur d’environnements, explique : « En règle générale, la communauté Source considère la solution du moteur Source pour les terrains, ou les "déplacements", comme lourd et décourageant avec un workflow qui a peu évolué depuis plus de 10 ans. Toutefois, Shawn a exploité la puissance de 3ds Max pour proposer une autre solution : sculpter les paysages à l’aide des outils de modélisation de forme libre graphite. En y associant la souris 3D, les artistes peuvent créer des formes de paysages à la fois intentionnelles et puissantes, d’une manière qui, d’après mes années d’expérience sur Source, n’a jamais été aussi facile et amusante. Les résultats sont tellement bons que nos joueurs se demandent si nous utilisons encore Source ! »
Pour le mélange dans les matériaux de paysage, nous avons utilisé le modificateur Canal de données et les outils Peinture sommet qui nous permettaient de mélanger de deux à quatre matériaux avec les couleurs des sommets d’une façon qui correspondait au mélange des sommets pour les déplacements dans le moteur Source. En collaboration avec Chetan Jaggi, programmeur principal (et gourou graphique), j’ai écrit des ombrages DirectX pour visualiser le mélange dans la fenêtre 3ds Max selon les règles du moteur Source. Lorsque nous devions ancrer certains de ces mélanges de textures masqués par les sommets aux accessoires, nous avons pu le faire facilement en écrivant des ombrages OSL qui imitaient les ombrages DirectX pour les rendus 3ds Max natifs.
Pour placer les accessoires, nous avons appliqué différentes stratégies. Pour les zones relativement vides ou les endroits nécessitant des éléments spécifiques, nous avons utilisé des méthodes simples de glisser-déposer et les outils de transformation standard, tels que Sélectionner et Placer. Pour les zones plus denses nécessitant un niveau important d’aléa, mais aussi un positionnement graphique spécifique, nous avons utilisé les outils Peinture objet inclus dans les outils de modélisation graphite. Enfin, pour les systèmes plus importants, nous avons utilisé le plug-in Forest d’Itoosoft.
Interrogé sur son expérience avec 3ds Max, Brian Dale, artiste, explique : « Avec 3ds Max, nous avons étendu nos capacités de développement d’une façon qui aurait été impossible dans Hammer. Nous avons désormais accès à toutes les fonctionnalités de 3ds Max, ainsi qu’à d’autres logiciels par le biais de plug-ins (tels que Forest, Wall Worm et GrowFX). 3ds Max nous a permis de créer des univers qui ne semblent pas appartenir au moteur Source. »
Avant l’intégration étroite des outils de conception de niveaux dans Wall Worm et 3ds Max, les artistes devaient toujours créer des accessoires de manière isolée, puis les placer via Hammer. Hammer a été utilisé pour développer de nombreux jeux emblématiques pendant plusieurs années, mais il n’a apporté aucune innovation depuis plus de 10 ans. Il est devenu rudimentaire et archaïque, selon les standards de conception de niveaux modernes. En réalisant les déplacements et les positionnements d’accessoires dans 3ds Max, nous avons optimisé notre workflow grâce à la palette d’outils avancés inclus dans 3ds Max. Pour illustrer la simplification des workflows artistiques avec 3ds Max, Adam Engels précise :
Avec ces outils et d’autres, nous avons commencé à donner vie à la vision Black Mesa de Xen. Nous sommes à deux doigts de la ligne d’arrivée. Nathan Ayres ajoute : « Dans Black Mesa, Xen n’aurait tout simplement jamais pu exister sans Wall Worm. » Autrement dit, sans 3ds Max, Wall Worm n’existerait pas. Grâce à 3ds Max, nous avons pu exploiter des outils de conception modernes avec un moteur de jeu très ancien.
En ce qui me concerne, collaborer avec une équipe aussi talentueuse d’artistes et de concepteurs de niveaux pour créer les derniers chapitres de Black Mesa a été un véritable honneur. Ce travail d’équipe a apporté son lot de défis enrichissants et a fait naître de belles amitiés.
3ds Max est l’un des outils créatifs les plus puissants au monde, qui allie innovation constante et extensibilité. C’est l’éternel couteau suisse des artistes 3D et des studios. Ayant consacré près de 20 ans de ma vie à ce programme, je suis loin d’être impartial, mais je ne peux pas imaginer un projet 3D créatif sérieux sans 3ds Max. Ce logiciel offre la puissance nécessaire pour donner vie à vos idées.